Dark Sun Campaign Setting
Ah Dark Sun. Depuis le temps que les fans de cet univers attendaient une véritable réédition de ce splendide univers, ils avaient fini par désespérer. Wizards a donc un peu surpris tout le monde en annonçant la sortie de ce nouveau Dark Sun Campaign Setting. Bon, surpris n’est pas le bon terme. Effrayé conviendrait mieux. Car adapter l’atmosphère d’Athas aux règles de D&D4 paraissait relever du sacrilège, quand on sait que la version originale s’écartait déjà largement des univers classiques pour AD&D. Mais en y réfléchissant bien, cette réédition paraît plutôt logique : la première édition était censée soutenir la sortie du premier Manuel des Psioniques. Ce Dark Sun Campaign Setting fait de même avec le Manuel des Joueurs 3, qui introduit les pouvoirs psioniques dans D&D4.
Un mot d’abord sur les illustrations : de nombreux fans crieront au scandale en constatant que Brom est le grand absent de cette nouvelle édition. Bien sûr, ses illustrations avaient profondément marqué l’esthétique de la version originale. Mais l’artiste faisait un petit peu ce qu’il voulait, et certaines couvertures n’avaient qu’un rapport très ténu avec le contenu des suppléments. Et puis Athas a beau être un monde rude, ce n’est pas pour autant un immense backroom où les héros sont revêtus de tenues sado-maso… Bref, tout cela pour dire que les illustrations de ce nouvel ouvrage remplissent parfaitement leur rôle : elles décrivent un monde violent, tragique, mais également coloré et héroïque. Bien sûr, elles se rapprochent par leur style des illustrations des autres ouvrages pour D&D4, mais n’est-ce pas le but de ce Dark Sun Campaign Setting de faire rentrer Athas dans le giron de la nouvelle édition ?
L’introduction de l’ouvrage fournit une description rapide des huit éléments fondamentaux qui caractérise Athas. Mais c’est dans le numéro 388 de Dragon Magazine qu’on en apprend davantage sur les intentions des auteurs et la façon dont ils ont travaillé sur ce guide. A mon avis, cet article est si instructif qu’il aurait mérité sa place directement dans le supplément, notamment pour les habitués des anciennes versions de Dark Sun. En effet, les auteurs n’ont pas simplement adapté l’univers de Dark Sun à D&D4 : ils l’ont réinventé. Cela veut dire que, même si le monde d’Athas est resté le même dans les grandes lignes, des modifications plus ou moins importantes lui ont été apportées afin d’y intégrer un maximum d’éléments du « D&D Core ». Bien sûr, cela fera sans doute hurler les vieux briscards, mais n’oublions pas que ce Dark Sun Campaign Setting était destiné à un public plus large, qui ne connaît pas forcément les anciennes éditions de Dark Sun et n’aurait certainement pas apprécié qu’un supplément de ce genre charcute et complique les règles de base de D&D4 pour pouvoir intégrer tout ce qui existait dans les précédentes éditions.
De fait, cet ouvrage n’est en aucun cas la « suite » des deux premières éditions, mais une relecture complète de l’univers, un « remake ». D’ailleurs, il décrit Athas juste après la libération de Tyr, le tout début de l’Age de la Liberté, et fait donc table rase de tous les événements racontés dans les suppléments et romans Dark Sun des années 90. De toute façon, entre la version AD&D et sa trentaine d’ouvrages, l’adaptation faite à D&D3 par le site Athas.org, et celle à D&D3.5 présentée dans Dungeon Magazine et Dragon Magazine, les réfractaires à D&D4 peuvent très bien continuer de jouer des années sans se soucier de cette nouvelle version.
Le premier chapitre, The World of Athas, propose un survol rapide de ce qui fait de Dark Sun un cadre de campagne unique. On y trouve une présentation des différents types de héros athasiens, des diverses aventures qu’ils peuvent vivre, des leurs adversaires et des causes qu’ils peuvent défendre. C’est assez succinct, mais cela permet d’identifier rapidement ce qui distingue les personnages joueurs de Dark Sun de leurs homologues des autres univers officiels. La seconde partie de ce chapitre fait une présentation rapide de la civilisation athasienne, et surtout son organisation sociale et politique. Gros regret : l’histoire d’Athas est résumée en une demi-page, ce qui risque de s’avérer particulièrement frustrant pour les joueurs n’ayant pas connu l’ancienne version.
Le chapitre suivant, Races of Athas, commence par introduire les deux nouvelles races typiques d’Athas sur lesquels les joueurs ne manqueront pas de se jeter : les muls (demi-nains) et les thri-kreens (mantes religieuses). Puis il passe en revue les races existantes et expliquent ce qui les distinguent de leurs cousins des autres mondes. Politique de cohésion oblige, certaines entorses ont été faites à la continuité avec les premières éditions avec l’introduction des nouvelles races de D&D4 : ainsi les drakéides prennent la place des drays (ou plutôt ce sont ces derniers qui prennent l’apparence des drakéides tout en conservant leurs origine et une bonne partie de leur culture), les éladrins habitent les derniers vestiges de la Féérie existant encore sur Athas, et les demi-géants sont supplantés par les Goliaths. Les tieffelins, quant à eux, n’avaient aucun équivalent dans la région d’origine, et leur introduction sur Athas paraît avoir été faite de force… d’ailleurs les auteurs ne semblent pas avoir voir cherché à les intégrer véritablement à l’histoire athasienne, et les « chevrettes » ont tout de pièces rapportées. Je reste persuadé que s’ils n’étaient pas issus du premier Manuel des Joueurs, les tieffelins n’auraient jamais intégré Dark Sun. Ce travail au forceps est d’autant plus étrange que les auteurs n’ont pas hésité à interdire toutes les classes divines (ce qui est somme toute logique dans un monde sans dieu), y compris les classes de base comme le prêtre et le paladin. Ces quelques couacs mis à part, ce chapitre est plutôt intéressant et bien construit.
Le troisième chapitre, Character Themes, introduit un concept particulièrement intéressant : un thème est une sorte de « métaclasse » accessible à tous les personnages quelle que soit leur classe véritable et représentant une carrière ou une vocation typique de Dark Sun : négociant des dunes, ménestrel, prêtre élémentaire, gladiateur ou encore templier. L’aspect vraiment intéressant de ce nouveau système est que si chaque thème est logiquement associé à certaines classes, ce n’est absolument pas une obligation, et les combinaisons les plus originales peuvent voir le jour. Par exemple, de nombreux prêtres élémentaires sont des shamans, des druides ou des ensorceleurs. Mais on peut parfaitement imaginer un barbare ou un moine se tourner vers ce thème. C’est d’ailleurs un excellent moyen de permettre à un personnage issu d’une classe martiale de gagner quelques pouvoirs magiques, et inversement de voir des jeteurs de sorts développer des aptitudes non magiques (un sorcier négociant des dunes, par exemple). A la manière des voies parangoniques, chaque thème donne accès à des thèmes plus spécialisés à partir du niveau 11. Un excellent chapitre, qui permettra aux joueurs d’intégrer pleinement leur personnage à l’univers de Dark Sun. Je gage que ce nouveau mécanisme sera réutilisé dans de futurs supplément tant il est pratique et intelligent.
Tout supplément D&D a droit à son chapitre fourre-tout. Ici, il est intitulé Character Options, et on y trouve plein de bonnes choses, et certaines choses un peu moins bonnes. Tout d’abord, les auteurs parviennent à régler en une page à peine la question de la différenciation entre magie profanatrice et magie préservateur. Exit la multiplication des classes de magicien : tous les jeteurs de sorts arcaniques peuvent choisir de profaner ou des préserver, la profanation offrant simplement la possibilité de relancer le dé quand on utiliser un pouvoir quotidien (ce qui a tendance à faire plutôt mal à tous les êtres vivants à proximité, y compris les alliés). Un peu léger ? Absolument pas : tout le reste ne relève pas des règles, et c’est au MJ de gérer la réaction des PNJ face à un profanateur. C’est aussi aux joueurs eux-mêmes de prendre leurs responsabilités en ce domaine. Ce chapitre aborde également les pouvoirs psioniques, qui sont un des éléments-clés de Dark Sun. Il présente quelques prodiges accessibles à tous les personnages, et présente de nouvelles options pour le Battlemind. De même, les guerriers peuvent choisir la voie du combattant d’arène, et les shamans peuvent se tourner vers un animisme élémentaire plus en phase avec la cosmologie athasienne. Enfin, et peut-être le plus important : les sorciers ont accès à un nouveau pacte (et ce devrait d’ailleurs être le seul disponible logiquement) : le pacte avec un roi-sorcier. C’est ce pacte qui permet aux templiers de recevoir leurs pouvoirs arcaniques de leur « dieu », et l’adaptation est d’une logique implacable. Cette section du chapitre se termine sur la description des destinées épiques permettant de devenir un Roi Dragon ou un Avangion. Rien que ça. Au premier abord, cela peut sembler bizarre que ce genre de matériel soit présenté dans le guide de base, mais finalement c’est assez logique : dans D&D4, le but ultime des personnages est d’accéder à la divinité. Rien de plus normal que ce guide présente ce qui s’en rapproche le plus sur Athas.
La deuxième partie de ce chapitre présente son lot de nouveaux dons et rituels, et s’achève sur une présentation de l’équipement disponible sur Athas. Quel plaisir de retrouver les armes en os, les étranges haches en cristal et autres engins de morts aux formes tarabiscotées !
Le chapitre suivant est l’Atlas of Athas. Plutôt bien construit, il couvre non seulement la région de Tyr (en s’attardant évidemment sur cette cité-état, qui forme le point central de la plupart des campagnes de Dark Sun), mais aussi toutes les régions plus éloignées qui avaient été explorées dans les suppléments des éditions précédentes l(a Crête Forestière par exemple). L’ensemble est très synthétique, et parvient à donner une bonne vision d’ensemble du monde aux lecteurs qui découvrent Athas pour la première fois. Cette description d’Athas est très fidèle à l’original, et c’est presque mon seul regret : quitte à intégrer de nouveaux éléments tels que les Eldarins et les Tieffelins, j’aurais aimé que cet Atlas leur accorde une place un peu plus grande.
Le dernier chapitre du livre, Running a Dark Sun Game, est destiné au MD, qui y trouvera de nombreux conseils et informations sur la façon de créer des aventures à la saveur athasienne : l’importance des voyages et de la survie, le type de rencontres et leur organisation. Il évoque également l’utilisation des récompenses alternatives introduites dans le Manuel des Joueurs 2 : les objets magiques étant plutôt rares sur Athas, il explique comment les remplacer par d’autres récompenses (marques de bataille, marques élémentaires et autres récompenses aux effets similaires à ceux des objets magiques) afin de conserver l’équilibre du jeu. Le chapitre se termine par une aventure d’introduction intitulée « Sand Raiders ». Expédié en six pages, ce scénario ne brille vraiment pas par son originalité, et lance directement les PJ dans l’action, en laissant tout le travail d’introduction et de présentation au MD.
Au final, j’ai vraiment aimé la lecture de ce nouveau Dark Sun Campaign Setting. Bien sûr, comme tous les fans de Dark Sun, je n’ai pu m’empêcher de regretter l’absence de telle ou telle information, ou l’introduction de certains éléments de D&D4 qui me paraissent dispensables (dégagez, les chevrettes !) mais je me dois de saluer le travail des auteurs, qui sont parvenus à conserver l’essentiel de l’univers tout en l’intégrant dans le moule de D&D4, ce qui n’était pas gagné d’avance. Bien sûr, l’atmosphère d’Athas s’en trouve quelque peu modifiée, et les campagnes auront forcément une saveur différente (plus héroïques et moins survivalistes). Personnellement, j’y trouve mon compte.
En résumé, j’aime bien :
- L’adaptation intelligente des règles à l’univers d’Athas
- Le choix de réinitialiser l’univers en repartant de la chute de Kalak
- Les thèmes, une façon ingénieuse de donner du cachet à un personnage
- Les illustrations, qui sont tout à fait dans le ton
J’aime moins :
- L’histoire d’Athas, pratiquement passée sous silence
- L’introduction artificielle de certains éléments de D&D4 comme les tieffelins
Ma note personnelle : 4/5
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